Hommages & témoignages

Cérémonie du 8 mai 2008
au monument aux morts de LAMBERSART (59), ville natale d'André RABIN

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Article rédigé par Monsieur Christian FURLING, journaliste au journal "LA VOIX DU NORD", publié dans l'édition du 8 et 9 mai 2008 et mis en ligne avec son aimable autorisation

Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Municipal, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, 11 personnes, membres de familles de 6 officiers français, prisonniers de guerre à l’Oflag IID-IIB, sont venues se joindre à vous, à l’invitation de Monsieur DAUBRESSE, maire de Lambersart, pour honorer la mémoire du Lieutenant André RABIN, mort tragiquement au cours de cette captivité et né dans votre ville 16 novembre 1914. Son père, Pierre RABIN et sa mère Alice TULPIN, demeuraient alors 194 avenue Sainte-Cécile. Il était le 5ème enfant de ce couple qui en a eu 6. Son acte de naissance porte la signature d’Auguste BONTE, alors maire de la ville. Il a fait des études supérieures qui l’ont conduit à devenir ingénieur dans le domaine de l’électricité. En 1939, il est mobilisé comme sous-lieutenant au camp de Satory à Versailles au sein du 41ème Bataillon de Chars sous les ordres du célèbre Capitaine Pierre BILLOTE, futur Général, qui réussira son évasion de l’Oflag IID fin 1940. André RABIN est fait prisonnier le 12 juin 1940 à Mourmelon, près de Chalons en Champagne dans la Marne et se retrouve en captivité à l’Oflag IID de Gross-Born en Poméranie allemande. Ces lieux se trouvent aujourd’hui en Pologne. Différentes évasions ont lieu dès 1940. Un projet germe alors parmi les camarades de sa chambre. Il se trouve au block 2, dans la baraque 35 et la chambre 2. A la fin de l’été 1941, la décision de creuser un tunnel est prise. Celui-ci, terminé, mesurera 117 mètres de longueur. Le 16 mars 1942 vers 21 heures, un premier contingent de 8 prisonniers s’évade. Le 17 mars à la même heure, 7 nouveaux prisonniers s’évadent. Ils seront tous remplacés le lendemain de chaque départ, au cours des appels journaliers, par des mannequins. Je laisse la suite de ce récit à Bertrand de Cuniac qui est sorti du tunnel le 17 mars. La 3ème journée et le 3ème tragique départ nous seront racontés lors de notre malheureux retour ; nous ne les avons pas vécus personnellement, nous étions déjà bien loin. Ce fut, parait-il, une effervescence complète dans tout le camp, car nos camarades de chambre restant devaient dès le début du 3ème jour prévenir tous ceux du camp qui désiraient partir le soir même.

 

 

Ce fut un véritable coup de théâtre pour nos camarades étrangers à la Chambre d’apprendre l’existence de notre tunnel dont nous avions pu conserver le secret intact pendant huit mois. Le stratagème des mannequins réussit parfaitement et chaque candidat à l’évasion de s’affoler ce jour-là pour rassembler ses vêtements civils et dresser en toute hâte un plan d’évasion. Evidemment, le camp entier en parlait et les Allemands n’attendirent pas longtemps pour l’apprendre ; ils devaient alors être décidés à faire un exemple. Lorsque notre malheureux camarade RABIN déboucha le soir du trou, le tunnel étant littéralement bourré de candidats, il fut criblé de balles de mitraillettes de la part des Allemands postés tout autour du trou dans les fourrés. Ce fut un véritable assassinat, car au dire de REVOL qui devait déboucher à la suite de RABIN, les Allemands attendirent que celui-ci fut tout à fait sorti du trou pour l’abattre comme un animal. Sitôt RABIN abattu, ils se précipitèrent à l’ouverture du tunnel et tirèrent des coups de feu à l’intérieur, espérant ainsi opérer un carnage à l’intérieur de ce boyau. Heureusement, le tunnel faisait un coude à la sortie et ce fut un véritable miracle qu’aucun de ceux qui étaient dans le tube ne fut atteint. L’aventure du tunnel était terminée et, paraît-il, dès que les premiers coups de feu tuant RABIN furent entendus, ce fut un beau recul général travers le tube, chaque candidat à l’évasion regagnant au plus tôt sa baraque. Quelques jours après cette sinistre histoire, ils commencèrent à détruire ce travail et craignant des éboulements ils mirent des grenades amorcées à l’intérieur pour éviter que l’envie nous reprennent d’y aller refaire un pèlerinage ! Bilan de ce Tube : 17 Evadés et 1 assassiné ; c’était pour notre infortuné camarade, payer bien cher les 17 évasions. Dans sa conclusion, Bertrand de CUNIAC écrit : Ce fut donc cette ambiance de collaboration amicale axée sur un même but qui nous guida tout au long de ces huit mois de travail aussi nous ressentîmes la mort tragique d’André RABIN comme vraiment la perte d’un des nôtres. Dans sa thèse, écrite après guerre, l’Abbé Pierre FLAMENT, prisonnier de l’Oflag IID écrit : Douloureuse fut pour nous la mort affreuse du lieutenant Rabin, tué à bout portant par les Allemands au débouché du tunnel qui devait lui assurer la liberté. Voici les faits ; je les emprunte à mes notes personnelles. Ecrits au moment même où ils se produisirent, ils évoqueront de façon plus exacte l’atmosphère du camp en ces pénibles cir¬constances. Le 18 mars 1942, à 21 heures, à la sortie d’un tunnel, le lieutenant Rabin essuie des coups de feu. Transporté jusqu’à l’infirmerie du camp, l’abbé Dupaquier s’y rend aussitôt ; les Allemands veulent sortir l’aumônier de force. Celui-ci résiste. Par deux fois, il fait redire aux Allemands par l’in¬terprète français, le capitaine Duhr, qu’il est là en vertu du droit le plus strict ; il ne sortira qu’une fois son ministère accompli. L’aumônier tient bon et finit par vaincre la résistance des Allemands. La plaie une fois découverte, les huit Allemands s’éclipsent et laissent le blessé aux mains des français, médecins, infirmiers et aumônier. Les médecins pratiquent des piqûres d’huile camphrée et de morphine, font un pansement provisoire. L’aumônier administre notre camarade. A 2 heures du matin, le 19 mars, Rabin est évacué vers l’hôpital d’Hammerstein. Il y mourra après une intervention chirurgicale tentée de toute urgence. Le matin du 19 mars, quand la nouvelle se répand dans le camp, lourde est l’atmosphère. La « collaboration va perdre des points ! L’appel est particulièrement houleux ; l’officier allemand, au bloc III, est incapable de faire compter les officiers. Il tente une démarche auprès du colonel Vendeur pour obtenir le silence, la mise en rangs et le contrôle. C’est en vain ; des cris se font entendre « Assassins ! ». Le 21 mars, au rapport, on nous transmet les précisions suivantes les Allemands se sont rendu compte de l’indignation qui régnait dans le camp ; depuis plusieurs jours, à l’appel, les sentinelles viennent en armes. Le capitaine Bahr ne sourit plus. Le lundi 23 mars, tandis que le corps est enseveli au cimetière français d’Hammerstein, un service solennel est célébré, à la cantine du bloc II, à la mémoire du lieutenant RABIN. Foule énorme, jusque hors de la cantine ; chorale des quatre blocs. L’aumônier Dupaquier célèbre la messe. A la suite de cette affaire, le colonel Vendeur prend les décisions suivantes : suppression des cours d’allemand par des Allemands ; suppression du cinéma, des séances théâtrales, du journal « Ecrit sur le Sable », pendant quelque temps en signe de protestation et de deuil ; silence absolu sur les rangs à l’appel quand les Allemands seront là. Le Colonel français fait savoir que les prisonniers ont droit à l’évasion ; on ne peut que féliciter et admirer ceux qui se risquent. Le Colonel comprend que c’est le devoir des Allemands d’empêcher les évasions ; mais le lieutenant Rabin a été blessé dans des circonstances inadmissibles. Le Colonel a fait son enquête ; dès la sortie du tunnel, le lieu¬tenant a éprouvé trois tirs de suite ; puis on a tiré dans le souterrain lui-même. Un pareil fait a soulevé l’indignation justifiée de tous les officiers prisonniers du camp. La note s’achève en demandant d’être tenu au courant de l’état de santé de l’officier blessé. De nombreuses lettres partent du camp et stigmatisent ce crime. Pendant les premiers jours d’avril, de nombreux officiers qui se sont plaints amèrement de l’assassinat du lieutenant Rabin dans leurs lettres, sont convoqués par les Allemands. L’un d’eux a écrit « Tué comme un lapin » ; L’Hauptmann Fisher les interroge les uns après les autres, leur demande s’ils maintiennent leurs déclarations, veut leur faire signer un papier recon¬naissant que leurs lettres vont entrer dans le domaine public. Au nom de la Convention de Genève, tous refusent de signer. Le mois de mai, celui de notre arrivée au camp d’Arnswalde, après le transfert entre l’Oflag IID et le IIB, devait être, le premier mois des sanctions. Elles allaient durer jusqu’en octobre. Plusieurs prêtres et séminaristes, entre bien d’autres camarades, font de la prison pour la lettre qu’ils ont écrite. Motif ? « A rapporté un fait de façon inexacte, en des termes offensants pour l’armée allemande. » Dix jours d’arrêts de rigueur.
Dans le rapport officiel de l’Agence Centrale des Prisonniers de guerre du CICR, le Lieutenant RABIN est déclaré mort le 19 mars à 16 heures 50. Le document officiel porte, entre autres, la signature d’un infirmier français, prisonnier du stalag IIB d’Hammerstein, René JULIEN. Un français le veillait donc au moment de sa mort. Il fût enterré dans la tombe 429 du « petit cimetière de PG du champ de manœuvres d’Hammerstein. Le 24 juillet suivant, sa dépouille a été transférée au Cimetière Français de Gdansk dans la tombe 1249. Renseignements pris auprès de notre ambassade à Varsovie, cette tombe contient un soldat inconnu. Le 9 avril dernier, j’ai fait une demande officielle afin de demander la levée de l’anonymat de cette tombe. Je vais devoir annuler cette demande car lundi dernier je me suis rendu à Caen afin de consulter son dossier auprès du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains et quelle ne fût pas ma surprise de découvrir que, vraisemblablement à la demande de la famille, le corps d’André RABIN a été restitué le 11 août 1951. Il repose depuis dans le carré militaire du cimetière parisien situé sur la commune de THIAIS sous les références suivantes : Division 17 – Ligne 12 – Tombe 46 à côté de la tombe de son frère, Paul RABIN, caporal, prisonnier au stalag IIA et tué lors d’un bombardement allié de l’usine de V1 et V2 à Warnemünde où il travaillait. Sur place à Gross-Born, au bord du chemin qui conduisait les prisonniers de la voie ferrée au camp, existe un monument que j’ai eu l’honneur d’inaugurer en juin 2003 et sur lequel il est écrit en Français et en Polonais : A LA MEMOIRE D’ANDRE RABIN, ABATTU A BOUT PORTANT A LA SORTIE D’UN TUNNEL LORS D’UNE TENTATIVE D’EVASION. En France aucune trace d’André RABIN n’existait. Voilà cette injustice réparée 66 ans après sa mort et je tiens à exprimer, au nom de l’Amicale de l’Oflag IID-IIB, notre profonde gratitude à Monsieur le Maire et au Conseil Municipal de Lambersart pour avoir accédé à notre demande d’inscrire le nom de ce courageux officier, « MORT POUR LA FRANCE » à l’âge de 27 ans sur le monument aux morts de sa ville natale. Je demande aux jeunes générations de ne pas oublier et de transmettre à leur tour ce souvenir. Nous tous, n’oublions jamais non plus qu’au cours de la campagne de France, entre le 10 mai et la date de l’application de l’armistice, le 25 juin, environ 100 000 français sont morts, 250 000 ont été blessés et parmi les 1 800 000 prisonniers de guerre français, 30 000 perdirent ensuite la vie loin de leur patrie, en terre allemande. Les soldats de 1940 ont été souvent accusés de ne pas s’être bien battus. Les pertes allemandes au cours de ces 40 terribles journées de mai et juin 1940 prouvent à elles seules le contraire puisqu’elles se montent à 49000 morts et disparus et 111 000 blessés.

Avant de conclure ce récit qui vous aura, je l’espère, intéressé et ému, je souhaite remercier Monsieur Bernard COFFYN, conseiller municipal, Monsieur ZAJAC, président du comité d’entente des associations patriotiques de Lambersart, Madame DEGUESELLE, chef du service du protocole de la mairie, pour leur écoute et leur aide et le journal « la voix du nord », en les personnes de Madame Marie-France LEFRANC, correspondante locale, et de Monsieur Christian FURLING qui publie aujourd’hui mon témoignage sur André RABIN. Vous trouverez dans cet article les coordonnées du site de notre amicale et vous pourrez ainsi lire, entre autre, l’ensemble de l’histoire de la création de ce tunnel à la rubrique E.

Je vous remercie.

 

Compte rendu de la cérémonie par Joël COUDRON

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La gerbe de l'amicale des Oflag IIB-IID XXIB Le monument aux morts de Lambersart et les portes drapeaux Aubade de l'Harmonie de Lambersart devant la mairie

Onze heures à Lambersart, les participants sont face au Monument aux Morts de la Place de la Victoire : l’harmonie municipale se prépare, les scouts sont incontournables, officiers et autorités civiles et militaires se placent au premier plan...

L’ordonnance du protocole fait son travail, nous retenons notre souffle : la lecture du communiqué de Monsieur Bockel, secrétaire d’état aux anciens combattants, la sonnerie aux morts, la lecture de tous les noms de ceux qui sont tombés au combat dont André RABIN inscrit depuis peu sur le monument, puis la minute de silence.

Emotion perceptible... Les gerbes se succèdent. Etienne Jacheet place celle de l’Amicale de l’Oflag IID-IIB. Puis le défilé s’engage, harmonie en tête, pour rejoindre à 300 mètres, l’Hôtel de Ville, sous un soleil radieux.

Dès que le Maire- adjoint a remercié tous les organisateurs, il introduit Etienne Jacheet. André RABIN nous est présenté et nous parcourons ensemble son chemin de vie qui le mènera tout jeune ingénieur à devenir prisonnier de guerre en juin 1940, et la partie douloureuse de l’exposé nécessite que l’orateur domine son émotion grâce au soutien des amis et des inconnus captivés... En effet, le silence est grand, l’attention tenue en éveil par la curiosité et la gravité du récit... Nous saurons que tous ont appris un pan d’histoire relayé par la Voix du Nord qui, à sa parution du matin, a déjà produit un article élogieux.

Etienne Jacheet termine son exposé, il a conservé son rythme d’élocution ! Les applaudissements soutenus éclatent. Le Maire-adjoint remercie puis élargit l’épreuve douloureuse de l’Oflag aux conflits récents (Darfour, Rwanda...) citant l’effort de l’Europe et l’engagement de Lambersart dans les échanges franco-allemands qui ont suivi la rencontre De Gaulle – Adenauer et se poursuivent actuellement.

Le vin d’honneur sonne la détente, provoque les échanges et nous apprendrons que l’exposé a été apprécié comme découverte historique.

Puis, Anne-Marie Coudron, notre nouvelle Trésorière entraînera les membres de notre Amicale à « la Petite Auberge » où Etienne Jacheet apportera les derniers éléments de ses recherches, avec le choc qu’a provoqué la découverte de la tombe d’André RABIN au cimetière de Thiais !

Journée donc riche en émotions et très solidaire puisque nous étions 11 participants de l’Oflag, membres de familles de six Officiers prisonniers de guerre à l’Oflag IID-IIB. Notre site, annoncé en fin d’article de la Voix du Nord, a l’ambition d’être le lien qui permettra la continuité de ces événements.

Un grand bravo à Etienne Jacheet pour ses recherches précises et fructueuses, à Anne Marie Coudron qui a organisé notre déjeuner et aux participants, Jacqueline Couchouron, Geneviève Tillard, Marie Hélene Brienne, Jeanne et Vincent Hibon, les familles Jacheet et Coudron, qui ont honoré l’événement de leur présence avec dignité et convivialité.

Les membres présents de notre Amicale ont suggéré à la Mairie de Lambersart de donner le nom d’André RABIN à une rue ou à un nouveau quartier ! Affaire à suivre...

Joel Coudron

 

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Dépot de la gerbe de l'amicale des Oflags IIB-IID-XXIB Recueillement pendant la lecture des "MORTS POUR LA FRANCE" de 2eme guerre mondiale Une partie de la délégation de l'amicale des Oflags IIB-IID-XXIB
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Le nom du Lieutenant André RABIN figure désormais sur le monument aux morts de sa ville natale Etienne JACHEET, secrétaire général de l'amicale des Oflags IIB-IID-XXIB pendant son allocution à la mairie de Lambersart