Evasions
Début du tube
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Coupe de la Chapelle pour l'évasion de 1942

La chambre de départ étant terminée et commençant à stocker pas mal de planches, nous entamons le morceau de résistance, en l’occurrence le début du tube. De l’orientation du début du tunnel dépendait tout le reste. Nous avancions donc avec le fil à plomb et la boussole, faisant de nombreux recoupements.

Mais, au départ, nous voyons trop grand, car nous entamons le travail avec une section rectangulaire de 80 x 75 cm . Nous nous rendîmes vite compte, que ces dimensions nous coûtaient trop de bois, aussi au bout de 15 mètres, nous serons obligés de réduire la section à un trapèze de 75 cm de haut et de 50 et 75 cm de base.

Le début vit beaucoup de tâtonnements. Le départ se faisait au fond de la chambre-atelier, c’est-à-dire, à deux mètres de profondeur ; mais, il fallait boiser convenablement car nous avions affaire à un sol beaucoup plus friable et sujet à l’éboulement que le sol que nous avions connu à la 8/2 quelques mois auparavant et qui était beaucoup plus compact.

Nous boisions donc de la faàon suivante : avec la raclette en bois dont nous enlevions le manche pour ce travail, nous creusions dans le haut du tunnel une cavité pour pouvoir glisser la planche que nous dénommions « plafond ».

Au préalable cette planche avait été munie de deux taquets à quelques centimètres des extrémités. Nous glissions ensuite les deux planches de côtés, en ayant soin de les encastrer à l’extérieur des taquets du plafond et dans le bas nous retenions ces planches de côté par deux cales fichées dans le sable. Ainsi ces planches de côté dénommées « montant » étaient retenues en haut par le taquet du plafond et en bas par les cales.

Cet élément étant posé, nous pouvions alors creuser en avant sans crainte d’éboulement jusqu’au moment où un nouvel élément était nécessaire.

Les « plafonds » se joignaient car on pouvait craindre des éboulements, mais les montants laissaient souvent entre eux quelque intervalle, car sur les côtés la pression était moindre et ceci nous permettait d’utiliser les planches les moins larges. S’il le fallait on bouchait les intervalles par des morceaux de papier goudronné que nous retirions des planchers de la baraque.

Les cales du bas étaient prises dans les chutes. Les taquets des plafonds étaient cloués d’où l’utilité de retirer les clous des planches que nous ôtions sous les baraques. Cela nécessitait d’ailleurs tout un travail de préparation car les clous devaient être au préalable redressés puis dépointés pour éviter les éclatements de taquets. Ceci s’opérait dans notre chambre même par les soins de Pascal « le claustrophobe ». Les taquets étaient posés dans la chambre-atelier avec un marteau garni de cuir pour éviter un trop grand bruit. Les plafonds étaient sciés et tracés dans l’atelier qui, malgré ses dimensions étroites, étaient un lieu où régnait constamment une intense activité de travail.

Bien entendu, le sol lui-même constituait le plancher du tube. Sur ce sol glissait le chariot constitué au départ par une simple caisse en bois, avec une corde de chaque côté. Ce chariot était rempli par l’aide-boiseur au fur et à mesure que le boiseur, c’est-à-dire, l’homme qui creusait, lui transmettait du sable. Il donnait alors deux petits coups à la corde opposée pour signifier à celui qui restait dans la chambre de départ que le chariot était plein. Celui-ci tirait, renversait le chariot dans la chambre, et au bout de quelques secondes celui du fond rappelait le chariot vide et ainsi de suite.

Le sable ne restait pas dans la chambre, il était remonté aussitôt dans le petit chariot de surface qui était tiré à son tour par un autre équipier, le bourreur qui, à plat ventre sous la baraque, bourrait le dessous des planchers.

Ainsi donc, ce départ du tunnel nous démontrait qu’il fallait un minimum de quatre travailleurs à la fois : un boiseur, deux tireurs et un bourreur.

Puisque, nous avions décidé de remonter sous la baraque au-dessus de la nôtre, la 33/2, pour profiter de son plancher et pour y déposer nos déblais une fois que la 35 serait entièrement bourrée, nous fûmes obligés de donner une certaine pente à notre tunnel pour ne pas être obligés de faire une trop grande remontée sous la baraque 33. Cela compliqua un peu le travail, car il fallait respecter une pente régulière ; l’avantage était de pouvoir tirer plus facilement le chariot plein profitant ainsi de la pente. Cela n’empêchait pas d’ailleurs de casser souvent les cordes qui, restant dans le sable humide, se pourrissaient rapidement ; aussi l’atelier de cordes ne chômait guère. Nous ne pouvions guère faire de cordes plus épaisses que cinq bouts, car alors elles auraient été trop lourdes.

Tel fut le travail du début du tube ; mais nous avions commencé par le dessert, car ce n’était rien à côté de ce qui nous attendait bien vite.