A leur passage en Belgique ou à leur arrivée en France, les prisonniers rapatries furent l’objet de gestes
de sympathie qui les ont profondément touches. Et les retrouvailles avec leurs familles ont été particulièrement
chaleureuses pour tous ceux qui ont retrouve l’épouse, les enfants, les parents, la fiancée,
quittes 5 ans auparavant. Mais, assez vite, chaque rapatrié dut s’adapter à des conditions de vie nouvelles.
Déjà, en passant devant les représentants des services charges de régler leur situation administrative,
ils avaient pu repérer ceux qui dépendaient des services de sécurité. Ceux-ci cherchaient à détecter
parmi la foule des arrivants ceux qui avaient quelque chose à se reprocher : français qui s’étaient compromis
ou avaient combattu avec les Allemands ; étrangers clandestins, etc. Puis ce fut la reprise de contacts
avec les membres de chaque famille, la découverte d’enfants ayant grandi, les retrouvailles avec une fiancée,
avec des amis, la création d’un foyer. Ce furent aussi les problèmes de la vie courante, l’adoption d’habitudes
imposées par les restrictions de toutes sortes. Ce furent les problèmes de santé, parfois graves,
découlant
des conditions de vie subies pendant les 5 années passées en captivité et des épreuves endurées pendant
les premiers mois de 1945. Ces soucis d’une vie normale avaient été quelque peu oubliés derrière les barbelés.
Ils surgirent inévitablement. Et ils furent accompagnes d’une préoccupation majeure : reprendre une vie
professionnelle. Même pour les officiers d’active, cette préoccupation exista. Ils ne reçurent d’abord
qu’une affectation provisoire. Ils durent attendre qu’une commission de réintégration statuât sur leur sort,
en fonction des informations données, le cas échéant, sur leurs activités au cours de la captivité.
Par ailleurs, l’accueil qu’ils reçurent dans les unités ayant participé aux opérations de la libération de la France
n’était parfois pas très chaud. On les recevait avec une certaine indifférence. Et le début de leur nouvelle
carrière, leur nouvelle affectation, surtout pour les plus anciens en grade, n’était pas toujours encourageant.
En un mot, cette ambiance peu favorable, la situation de famille incitèrent un certain nombre à se demander
s’il n’était pas opportun pour eux, malgré leur vocation première d’avant 1939, de quitter l’armée.
Certains s’ y résignèrent. Les autres s’employèrent à se forger une carrière normale malgré le handicap
que leur valait le fait d’avoir été absents de France pendant 5 ans. Ils subirent parfois ce handicap jusqu’ à l’age
de la retraite. Pour bien des officiers de réserve aussi, la réinsertion dans la vie professionnelle posa de multiples
problèmes. Pour certains, il fallut reprendre des entreprises ou des commerces dont I’ activité avait été
compromise par l’occupation allemande. Pour ceux qui avaient exercé une profession libérale, il fut nécessaire
de retrouver une clientèle. Pour les fonctionnaires, des problèmes comparables à ceux rencontrés
par les militaires d’active purent exister. Pour certains, un changement radical d’activité par rapport
à leur métier ou à leurs projets s’imposa. Pour les jeunes il fut indispensable de rechercher une situation
ou de reprendre des études dans un pays en pleine réorganisation. En bref, une réadaptation s’imposait
en fonction de multiples facteurs, alors qu’il fallait reprendre une vie familiale normale,
après une vie commune entre hommes dans des locaux surpeuplés. Certes, les officiers prisonniers n’étaient pas,
en 1945, les seuls à rencontrer ce type de situation. Mais ils pouvaient penser qu’après leur séjour forcé
en Allemagne, ils continueraient à supporter, quelques temps encore, une des conséquences pénalisantes
de la défaite de 1940. De là, sans doute, une autre préoccupation découla qui apparut rapidement :
celle de maintenir des liens entre les anciens prisonniers et surtout de conserver le souci d’une solidarité active.
C’est ainsi que l’idée de continuer l’oeuvre du centre d’entraide, créé concrètement à l’Oflag II B et disposant
en France d’une antenne ainsi que d’un comité de dames, s’imposa. Dès le mois de mai 1945,
ce centre et cette antenne se mirent à éditer un bulletin de liaison tout en continuant à accorder des secours,
en particulier à des anciens des Stalags, filleuls de l’Oflag. Ils essayèrent, en outre, de régler,
sans succès malheureusement, le problème du paiement de la contre-valeur en francs, des marks détenus
par les prisonniers au moment de leur retour en France. Et, au cours d’une assemblée générale tenue à Paris,
le 10 novembre 1945, fut créée l’Amicale des anciens prisonniers des Oflags II B, II D, XXI B, conformément
aux dispositions de la loi du ler juillet l901. Les statuts fixèrent le siège de cette amicale au 68,
de la rue de la Chaussée d’Antin, à Paris. Ils définirent ainsi les principaux buts de l association :
- Maintenir l’esprit de solidarité et d’entraide sociale née dans les camps, à l’exclusion de tout esprit politique ou confessionnel.
- Défendre l’intérêt des rapatriés en maintenant la liaison entre tous.
- Aider moralement et matériellement les prisonniers, leurs familles, les veuves, les orphelins.
- Participer à la création et au fonctionnement de l’Union Nationale des Amicales des Camps. Concrètement, huit commissions furent créées, des délégués régionaux furent recherches puis nommés.
Le journal "Le Lien" fut réalisé. Un secrétariat fut mis en place. Un fichier de 4.400 noms fut constitué
à partir des archives de l’Oflag II B. Le contact avec les Stalags filleuls fut maintenu.
La cotisation fut fixée à 100 francs par an. Des réunions et des manifestations furent organisées
pour compléter les recettes obtenues par les cotisations. Et d’après le compte-rendu financier
du Ier novembre 1945, on peut estimer que déjà, à cette époque, environ 1000 anciens de l’Oflag
avait envoyé une participation financière au Comité d’Entraide. Et c’est le programme d’action prévu
en 1945 qui a été appliqué fidèlement pendant 54 ans et qui reste toujours en vigueur en 1999.
Et c’est avec cette même fidélité que l’amicale de l’Oflag II B est toujours affiliée à l’Union Nationale
des Amicales des Camps. Cette Union fut créée le 20 mars 1945. Elle prit la suite des secrétariats
de camp qui s’étaient constitués en France à partir de 1941 pour assurer la répartition des fonds collectés
dans les Stalags ou fournis à ces derniers par les Oflags qui les parrainaient. Héritière de cet élan
de solidarité exemplaire qui permit de soulager des familles de prisonniers pendant 4 ans,
I ’UNAC eut pour but d’aider les amicales de camp dans certaines de leurs actions.
Elle assura leur représentation et la défense de leurs intérêts à l’échelon du pays. Elle mena ainsi
des actions à caractère social. Elle obtint que le gouvernement mette en 1947, à la disposition
de ses membres, un crédit de 100 millions de francs en compensation d’une partie des marks détenus
par ces derniers et qui n’avaient pu être échangés en 1945. Elle créa une coopérative d’achat,
participa à diverses manifestations nationales, facilita la diffusion de récits et ouvrages portant
sur la captivité, assura la diffusion d’un journal commun à plusieurs des amicales adhérentes.
Et c’est dans ce contexte que, en 1998, les anciens des Oflags II B, II D, XXI B choisirent de maintenir
l’activité de leur amicale, malgré la réduction inévitable du nombre des adhérents de cette dernière
( environ 250 actuellement). Il s’agit de conserver le plus longtemps possible le souvenir des liens tissés
en Poméranie et de continuer l’oeuvre de solidarité entreprise derrière les barbelés.
|